Introduction sur le reportage BD

Dans le civil, je suis dessinateur de presse. C’est un beau métier. On est assis à sa table de travail, et on décroche ses flèches. Mais au bout d’un moment, j’ai voulu aller voir de plus près les lieux et les visages qui font l’actualité. Dès 1995, je suis devenu, en parallèle, reporter dessinateur. Le Temps de Genève, m’envoie sur le terrain, et publie mes récits en pleines pages; d’autres médias, comme Courrier International et le International Herald Tribune, les reproduisent.

Pourquoi des dessins, alors que l’actualité déborde d’images, de photos, de vidéos? Je crois que le trait noir, dans son dépouillement, permet d’entrer en relation d’une façon unique: on absorbe le récit d’une victime, par exemple, sans être gêné ou distrait par l’invasivité de l’image photographique. Le dessin donne à voir sans voyeurisme.

Ce que je dessine, je l’ai vu. Sur place, je fonctionne comme n’importe quel journaliste, menant des interviews, faisant des photos. Je m’attarde aussi sur les anecdotes, sur mes émotions et mes doutes – toutes choses bannies par les règles journalistiques, mais qui font le sel du réel.

La presse, en quête de nouvelles manières de témoigner, commence à percevoir l’intérêt de la bande dessinée, capable d’amener le lecteur dans des lieux où il ne serait jamais allé. A l’avenir, dans les journaux, sur le web ou en télévision, le dessin nous aidera de plus en plus à raconter le monde.

Vous allez voir…

Patrick Chappatte
(Extrait de « BD Reporter, du Printemps arabe aux coulisses de l’Elysée », Editions Glénat, 2011)